Il y a des métiers dont le nom même semble appartenir à une autre époque. Fondeur, par exemple. Un mot un peu rugueux, presque oublié, mais qui cache un univers de feu, de métal en fusion et de gestes millénaires. C’est dans cet univers que cette rencontre nous emmène, entre étincelles et silences, au cœur d’un savoir-faire artisanal que le temps n’a pas réussi à effacer.
Un visage derrière le métal
Pas besoin de chercher bien loin pour comprendre que ce fondeur n’est pas un artisan comme les autres. Dans son atelier niché en périphérie d’une petite commune industrielle, il règne une atmosphère presque sacrée. Le maître des lieux, Jean-Michel, parle peu. Mais ses mains, elles, racontent tout. Des décennies de pratique, des centaines de pièces façonnées. Certaines ont fini dans des églises, d’autres dans des galeries, parfois même dans des salons de collectionneurs passionnés.
Son histoire n’a rien d’un conte de fées. Pas d’école d’art, pas d’héritage familial. Juste une fascination, un jour, en voyant un bronze couler dans un moule. Et depuis, une obsession presque viscérale pour le feu, la forme et la matière.
La fonderie, entre tradition et adaptation
Chez Rhonalu, l’univers de la fonderie aluminium prend une autre dimension. On y croise des procédés plus modernes, des commandes issues du design ou de l’industrie, mais toujours ce respect profond de la matière et des gestes. Et c’est bien là tout l’enjeu du métier aujourd’hui : conserver la rigueur des savoirs anciens tout en répondant à des demandes d’une diversité folle.
Jean-Michel l’a compris depuis longtemps. Il ne rechigne pas à intégrer certains outils numériques dans son processus. Modélisation 3D ? Pourquoi pas, tant que ça ne remplace pas l’intelligence de la main. Tant que ça reste un outil, et pas un substitut.
Des gestes venus d’un autre temps
Dans son atelier, chaque mouvement est un rituel. Le moulage, la préparation du sable, la température du four, le moment précis où le métal passe de l’état solide à liquide. Puis ce court instant suspendu où tout bascule : le coulage. C’est là que tout se joue. Une erreur, une hésitation, et des heures de travail partent en fumée.
Les matériaux sont nobles. Bronze, laiton, fonte, parfois même des alliages sur-mesure. Leur point commun ? Ils demandent tous une attention quasi religieuse. Pas d’improvisation. Pas de raccourci.
L’atelier, entre poussière et poésie
Ce qui frappe en entrant, c’est l’odeur. Un mélange de métal, de cendre et de vieux bois. Il y a du bruit aussi. Un marteau sur une pièce, le souffle d’un chalumeau, le crépitement du four. Mais il y a surtout une âme. Celle de l’artisan. Celle des pièces qui reposent ici en attente de livraison ou de retouche.
Sur une étagère, une sculpture encore brute attend son patinage. Plus loin, une série de petites cloches prêtes pour une église en restauration. Et sur un établi, une commande artistique pour une installation contemporaine. Le passé, le présent, l’art et l’utilitaire, tout se mélange dans cet espace hors du temps.
Quand l’objet devient mémoire
Chaque création a une histoire. Certaines viennent d’artistes, d’autres de collectivités ou de particuliers. Il y a eu cette commande un peu folle d’un hôtel de luxe pour un lustre monumental. Ou encore cette pièce funéraire commandée par une famille, chargée de symboles.
Mais au fond, peu importe la destination. Ce qui compte, c’est la durabilité. Ces objets ne sont pas faits pour être jetés. Ils sont là pour durer, traverser les générations, vieillir avec élégance. Et dire, encore longtemps, quelque chose de la main qui les a faits.
Préserver pour transmettre
Jean-Michel n’est pas du genre à parler d’avenir en grandes phrases. Mais quand on évoque la transmission, il se redresse. Il a accueilli quelques jeunes en stage. Pas toujours faciles à motiver. Certains sont repartis vite. D’autres sont restés. Il ne force personne, mais il espère. Car ce savoir, s’il n’est pas partagé, il s’éteindra. Et avec lui, une part de notre culture.
Il le dit sans détour : « On fait partie des derniers dinosaures. » Et il n’a pas tort. Pourtant, avec un peu de reconnaissance, un peu de curiosité, il suffirait de peu pour redonner à ces métiers la place qu’ils méritent.
Un métier de feu, de cœur et de patience
Il est rare de ressortir d’un atelier comme celui-là sans un pincement. Parce que ce qu’on y découvre dépasse le simple cadre du travail manuel. C’est une philosophie de vie. Une forme de résistance. À la vitesse. À la consommation. Au bruit.
Ces artisans nous rappellent qu’il existe une autre manière de créer. Une manière plus lente. Plus humaine. Et peut-être, quelque part, plus juste.

